2010. GRAND REPORTAGE EN BELGIQUE

DU MARBRE NOIR AU DIAMANT !

Un projet classe signé Terminale « Brevet des métiers d’art »… Une action dans le cadre des projets du Conseil Régional « Trans Europe Centre »… et un projet européen « quand la pierre devient bijou ! », retenu par l’Union Européenne dans le cadre du programme Comenius… Une action en partenariat étroit avec les équipes des écoles de bijouterie IATA à Namur et SIHA à Anvers… Les carnets de voyage se sont déclinés en grand reportage collectif pour cette édition spéciale du projet… et la collection des bijoux de création « marbre noir et diamant » a été présentée au public lors de deux expositions au lycée Jean Guéhenno et à la Cité de l’Or de Saint-Amand Montrond… Top départ…

Dimanche

08.33. Jour J. Nous y sommes. Sommeil léger et valises pleines. Un dimanche matin désert devant l’entrée de Jean Guéhenno. Le bus se remplit peu à peu de Terminales bma. Le départ est imminent, le moteur chauffe, et chacun, les paupières mi closes, se prépare pour 595 kilomètres qui vont nous conduire au-delà des frontières françaises. Une grande pensée pour Marion qui ne peut nous accompagner avec sa blessure de la nuit dernière. Ça y est ! Premier ronflement du moteur. On est parti ! Fifi notre chauffeur est en place. Direction autoroute…
10.28. Orléans, un péage et nous embarquons Nina, Charles, Manon, Clémence, et Marie-Jasmine, notre chef d’équipe… quelques saluts aux parents qui accompagnent, et autoroute again… Le temps défile, le silence règne parmi de petits ronflements, les rayons du soleil traversent les arbres orangés de l’automne.
12.14. Paris, et Julia est au point de rendez-vous près d’un métro. L’effectif est complet, nous traversons la capitale, direction le Nord.
13.02. Une aire de repos sur l’autoroute du nord, des centaines de camions de toutes les nationalités européennes sont eux aussi au repos… Un silence éloquent creuse les estomacs. Déjeuner casse croûte à côté du bus, question d’habitude, mais le soleil est toujours là !
13.57. On the road again… Rassasiés. Somnolents. On se passe un DVD pour aider la digestion.
16.02. Un dernier arrêt en France, histoire de sortir le portable, d’appeler une dernière fois famille et amis, dernier bisou français, après, c’est plus cher !
16.14. La frontière et notre arrivée en territoire belge ! Un pays de 30 513 km2. Nous entrons en Wallonie.
17.53. Nous sommes dans la région de Namur. Un petit village en pleine nature, nommé Wépion. Notre hébergement au centre culturel Marcel Hichter. Le hall d’entrée nous fait penser à la série télé « un, dos, tres… ». Immense bâtiment moderne entouré d’un grand parc, l’accueil est chaleureux, les gens sympathiques. Première photo de l’équipe à l’arrivée devant le bus… Un pari, une photo de toute l’équipe chaque jour dans une situation inédite, et transfert de l’image par internet à Saint-Amand où Virginie se charge de la récupérer et de l’installer sur le site web du journal pour donner des news à ceux du lycée, à nos familles, nos copains…

17.58. Séquence aménagement dans les chambres. C’est vraiment très grand, on se perd un peu dans les dédales de couloirs et d‘escaliers…
18.02. Dans la grande salle à manger du centre. Des petits pains briochés et des plateaux de charcuterie belge et de fromages.
19.48. Fin de repas, et briefing pour la journée de demain. Chaque équipe s’organise. Robert Delisee, le directeur technique de l’école partenaire de Namur, « l’Institut des arts, techniques et artisanats » est venu nous retrouver avec Baudoin Bruggemann le chef d’atelier de la section bijouterie et deux lycéennes de IATA. On discute de notre projet commun avec l’école belge que nous découvrirons demain.
20.44. C’est l’anniversaire de Géraldine ! Cadeaux des copines, une bonne rigolade et retour dans les chambres… Douches, extinction des feux et sommeil plus ou moins rapidement…

Lundi

07.18. Les yeux commencent peu à peu à s’ouvrir. Les esprits commencent à réaliser que nous sommes bel et bien en Belgique.
08.15. Un petit déjeuner tant attendu ! Buffet à volonté de viennoiseries, charcuteries, fromages, céréales et fruits ! Un festin royal qui gonfle le moral des troupes un peu ensommeillées…
09.04. Départ en bus pour Namur, petites routes de Wallonie, virages serrés, et même une escorte par un motard de la police belge !
09.31. Namur. IATA. C’est le partenaire en Wallonie dans notre réseau européen des écoles de bijouterie. Une grande salle où nous accueille Léon Dachelet, le directeur de l’institut des arts, techniques et artisanats de Namur, qui nous exprime son attachement aux échanges culturels et à nos projets européens communs. Il nous retrace le parcours de IATA, cette école créée en 1941 pendant la guerre pour éviter aux jeunes d’aller travailler en Allemagne. A cette époque, le premier travail consistait à la confection de vêtements et la cordonnerie. A la fin de la guerre, l’école s’est spécialisée vers les vêtements sur mesure. Mais, aujourd’hui, IATA compte 1500 élèves, 17 orientations possibles dans les métiers d’art et une superficie de 6 hectares avec une magnifique vue panoramique sur la ville de Namur ! A IATA, on peut aujourd’hui suivre des formations en art, techniques artistiques et arts appliqués, mais aussi en publicité, ébénisterie, garnissage, bijouterie, microtechnique, horlogerie, arts graphiques, imprimerie, photographie, audiovisuel, multimédia, images de synthèse, et art et structure de l’habitat !
10.07. L’équipe se divise en trois groupes, et chacun découvre des domaines artistiques au gré de son parcours… En bijouterie, nous sommes très surpris par leurs ateliers beaucoup plus petits que les nôtres mais aussi par leur organisation, où dans cette classe de 5ème chaque élève travaille sur un projet personnel, et non sur des pièces imposées ! Les élèves travaillent l’argent et peuvent être amenés à travailler l’or, ils peuvent aussi apporter eux-mêmes du métal ou des pierres précieuses… La section photographie se présente dans un grand espace avec plusieurs salle très spécialisées, projection, prise de vue, laboratoire, informatique… La sérigraphie est un département à part entière où les élèves apprennent des procédés d’impression sur des matériaux extrêmement variés… L’horlogerie, un monde de précision, avec exposés, des anciennes horloges et de très beaux mouvements… Le garnissage, une section où l’on travaille sur la restauration de fauteuils, dans le département d’ébénisterie… La section audiovisuelle où les lycéens réalisent une émission durant le festival du film francophone… L’imprimerie, section impressionnante où l’on apprend méthodiquement toutes les étapes et les procédés de fabrication, les 7èmes années utilisent eux beaucoup la PAO pour la création de leurs planches…
11.31. Le repas. A l’école IATA, une très grande salle sous forme de restaurant d’application, le repas est préparé par une école hôtelière de Namur, servi par les lycéens, c’est délicieux et copieux… et nous sommes invités !
12.46. Devant les grilles de ce campus… On profite de la pause des élèves pour aller à leur rencontre et mener quelques interviews…
13.04. Le bus. Nous partons pour la mine ! Douze lycéens belges de IATA nous accompagnent.
13.33. Golzine. La mine de marbre noir de Mazy. Un site immense, perdu en plaine nature, de carrières souterraines du célèbre marbre noir de Wallonie. Le directeur de la société « Merbes-Sprimont » s’appelle Philippe Stone, il est venu de Bruxelles aujourd’hui pour nous accueillir et participer à notre projet.
13.42. Casques et bottes ! L’équipement obligatoire. Nous avons acheté 35 casques en France avant de partir, et chacun s’est équipé de bottes rigolotes, jaunes, rouges, à pois, à fleurs… Essayages, concours de bottes et photos souvenir.
13.51. Emma et Priscilla dirigent l’interview du directeur Philippe Stone. Ces mines de marbre noir sont des gisements très recherchés qui se sont formés il y a 320 millions d’années. Les marbres ont mis ainsi des centaines de millions d’années à se former à maturation, les océans recouvraient nos contrées et c’est parfois à la base des massifs coralliens que le marbre est né ! Ici, les galeries s’étendent sur 10 kilomètres de long. Mais cette richesse n’est pas inépuisable, et l’entreprise doit donc gérer ce patrimoine commun en évitant tout gaspillage. Monsieur Stone a repris de son père cette entreprise en 1970. Il possède aujourd’hui deux carrières de marbre, marbre noir et marbre rouge, en Belgique qui compte chacune 25 employés. Il est également le propriétaire de 15 mines de marbre rouge, gris et noir au Portugal, un total de 265 employés ! Avant d’entreprendre ce métier, il a suivi une formation en économie…
14.13. L’expédition. Nous nous mettons en route bras dessus, bras dessous. On descend à 66 mètres sous terre. Quand nous pénétrons dans la mine, c’est le noir complet ! Une visite incroyable et glissante… Plus nous descendons, plus le froid se fait sentir. Au fond de la galerie, devant nous, un homme tape au burin pour extraire une nouvelle couche de marbre. De l’autre côté, d’autres hommes manipulent des bâtons de dynamite ! Monsieur Stone nous montre les machines qui participent à l’extraction du marbre. Nous explorons la mine, nous avons même droit à une démonstration d’extraction… et nous remontons doucement à la surface, à la lumière…
15.02. La photo du jour pour le site internet, avec nos correspondants belges. Le directeur de la mine nous confie que c’est la toute première fois qu’il reçoit des élèves bijoutiers, même s’il a ainsi mené auparavant des visites avec des professionnels.

15.14. La prospection. Autorisation de collecter tout morceau de marbre noir aux abords de la mine… Chacun prospecte, fouille et organise sa cargaison de pierres… Le choix des échantillons sera déterminant pour la création de nos bijoux.
15.28. Le bus, et départ pour le centre ville de Namur.
16.14. L’église Saint-Loup, majoritairement réalisée avec des blocs de marbre noir et blanc ! Léon Dachelet, le directeur de IATA nous retrouve pour un reportage sur l’édifice mené par Marine et Daisy. Nous en prenons plein les yeux. Cette église, ancienne église Saint-Ignace des Jésuites de Namur est considérée comme un des plus beaux édifices baroques du 17ème siècle en Belgique. Conçue par les Frères Huyssens, elle fut élevée entre 1621 et 1645. On remarque surtout ici la richesse des marbres colorés et la voûte aux motifs naturalistes et aux formes baroques. Les autels, élevés à partir de 1645, affirment aussi le style baroque dans leur construction et leur ornementation. Les confessionnaux reçurent un grand développement dans les églises de l’époque et les Jésuites particulièrement encourageaient la pratique du sacrement de la pénitence. A Namur, trois séries successives de confessionnaux se distinguent ainsi surtout par l’ornementation, et ils peuvent être datés de la seconde moitié du 17ème et du début du 18ème. Le poète Charles Baudelaire appréciait le style de ce lieu. Il en a même écrit cette description : « Saint-Loup diffère de tout ce que j’ai vu des Jésuites. L’intérieur d’un catafalque brodé de noir, de rose et d’argent. Confessionnaux, tous d’un style varié, fin, subtil, baroque, d’une antiquité nouvelle. L’église du Béguinage à Bruxelles est une communiante. Saint-Loup est un terrible et délicieux catafalque. Majesté générale de toutes ces églises jésuitiques, inondées de lumière et grandes fenêtres, boudoirs de la religion. »
17.02. Namur, la vieille ville, beaucoup de mal à trouver des cartes postales, beaucoup moins de mal à repérer terrasses de café et brasseries sympas !
18.16. Philippe nous attend au bus. Nouveau départ pour IATA.
18.30. Conférence et petit cours de gemmologie sur le marbre. Alain Heerins, gemmologue est aussi professeur de bijouterie à l’école IATA. Tout sur le marbre ! Comment il se forme, de quoi il est composé, comment on l’utilise depuis l’antiquité, ce que l’on peut en faire en bijouterie… et même quelles techniques et quels outils utiliser pour le travailler sur nos futurs projets de création !
19.30. Cantine de IATA… avec apéro ! et un super dîner spécialement réalisé pour nous, puisque l’école est habituellement fermée le soir ! L’équipe de IATA et certains de nos correspondants belges dînent avec nous.
22.00. Dure et superbe journée. Philippe nous ramène à l’auberge. On se dispute les douches, et opération préparation des valises, puisque demain, cap vers le nord, vers la Flandre et les diamantaires.

Mardi

07.32. Lever de bon matin. Petit déjeuner gastronomique, et hop ! dans le bus !
09.32. Retour à l’école IATA. Ce matin, rendez-vous avec Bernard François, créateur de bijoux contemporains et prof à l’école IATA. Une séance de travail avec nos échantillons de marbre, pour composer avec l’aide de Bernard François les esquisses, les premiers dessins de nos futures pièces de création. Chacun compose ses croquis, et l’équipe de Noëline entreprend une interview avec le créateur… Bernard François a commencé son parcours en 1960, en intégrant une école de la région en section orfèvrerie, puis il poursuit ses apprentissages par la section « art du métal » à l’école de la Cambre de Bruxelles. Il devient créateur chez un bijoutier et travaille le bijou en or pendant deux ans. Il monte ensuite de 1970 à 1975 un atelier indépendant avec deux de ses anciens collègues, chacun possédant ainsi sa propre clientèle pendant cinq années. En 1975, il crée la galerie atelier « Néon » à Bruxelles, une galerie qui a pour but de préserver les bijoux contemporains. Depuis maintenant 21 ans, il travaille comme enseignant à IATA dans la ville de Namur. Il enseigne principalement avec les 6ème et surtout 7ème années. A Bruxelles, il poursuit parallèlement son travail de créateur de bijoux contemporains, il utilise des matériaux parfois non traditionnels, l’acier, l’aluminium, le titane, les matières synthétiques. Il détourne des objets comme des phares de voiture, des cd… Il utilise peu la soudure pour ses assemblages, il préfère inventer des systèmes différents permettant de fixer avec des rivets ou des vis, ou encore des techniques d’ajustage…
Comment êtes-vous devenu enseignant ? J’avais un très fort besoin de déclencher chez les jeunes élèves l’envie de créer et de découvrir une autre vision de l’art, et je suis donc devenu professeur à IATA…
Que pensez-vous de l’école IATA ? C’est une école formidable par les différents projets que l’on peut y trouver, en bijouterie, en travail photographique, en horlogerie… et un site très agréable avec une vue panoramique très jolie.
Quels conseils donneriez-vous aux lycéens ? Il faut tout d’abord être curieux de tout, regarder tout ce qui nous environne, à travers les livres, les expositions, être soi même sans copier son prochain, se démarquer des autres,… et être passionné !
Quels créateurs préférez-vous ? J’aime beaucoup le néerlandais Jan Matthescisco, les anglais David Watkins et Joel Degen, ou l’espagnol Ramon Puigcuyas, qui sont aussi des amis, avec lesquels je partage mon amour de la création.
Qu’est-ce qui vous plaît vraiment dans ce métier ? J’aime créer des choses jamais vues auparavant, faire des combinaisons de matière qui sortent de l’ordinaire, des façonnages de matériaux non précieux comme le bois, la céramique, les cd…
D’où est venue cette passion ? De mon enfance, mon père travaillait dans la métallurgie, il manipulait les métaux et ça me fascinait. J’ai voulu moi aussi travailler les matériaux à ma manière.
11.32. L’heure de déjeuner au restaurant de IATA où nous sommes attendus.

12.28. Départ de IATA et de Wallonie. Retour dans le bus pour de nouvelles aventures… 110 kilomètres à parcourir, via Bruxelles, pour arriver à Anvers, la cité des diamants.
15.01. Antwerpen. Un autre monde. Le flamand, la langue néerlandaise règne. Notre auberge, le Scoutel (oui, un établissement pour les scouts !) est dans le centre ville et très proche du quartier des diamantaires. Les chambres sont claires et modernes, notre équipe s’organise, Marine et Daisy prennent la chambre de deux, et Marie-Jasmine, Priscilla, Emma et Géraldine celle de quatre.
15.52. Diamantmuseum. Le Musée du diamant d’Anvers, probablement le plus célèbre, le plus conséquent et doté d’une scénographie impressionnante ! Ce nouveau musée a ouvert ses portes en 2002, il est composé de trois étages, qui retracent le parcours du diamant. Adamas, ça veut dire « indomptable » en grec ancien, et c’est tout le symbole de puissance de cette pierre la plus dure de notre planète ! On apprend qu’à l’origine, le diamant est composé de carbone, qu’il se trouve à quelque 150 à 200 km sous l’écorce terrestre, et à une température de 1200° à 1300° ! Pour que ce carbone devienne diamant, il faut une pression énorme, de l’ordre de 50kg/bar ! et il faudra des milliers d’années pour que sa croissance se dessine… On trouve donc les diamants dans les anciennes cheminées volcaniques, qu’on appelle « kimberlites ». On découvre l’histoire du diamant à Anvers et dans le monde, les gisements et les différents types de prospection, les chroniques légendaires des « diamants rushs » en Inde, au Brésil ou en Afrique du Sud. On apprend à reconnaître les différentes tailles, cœur, poire, ovale, marquise, émeraude ou encore taille brillant ! On ne se lasse pas de relire les légendes fantastiques que colportent les diamants les plus célèbres, celle du Koh-i-Noor, du Cullinan, ou du Hope !
17.33. Le temps encore de découvrir Anvers, on met nos boussoles en marche et on part à l’aventure à travers chocolateries et brasseries de la ville.
19.00. Dîner à l’auberge Scoutel, potage de légumes, endives au jambon et pommes duchesse, et en dessert une crème à la vanille… Jean Goeman, le « technical adviser », chef des travaux des départements diamant et bijouterie de l’école SIHA, et Line Balieu, directrice de notre école partenaire anversoise sont venus nous retrouver pour nous accueillir.
20.04. Nous sommes tous réunis dans un petit salon de l’auberge, Line Balieu, directrice de SIHA se présente avec un accent fortement néerlandais, elle nous souhaite la bienvenue à Anvers et au sein de l’école, « Stedelijk Instituut Voor Handel En Ambachten », autre partenaire du PLE que nous découvrirons dans les prochains jours. Jean Goeman est le délégué de cette école dans notre réseau du PLE, il dirige les départements « diamant » et bijouterie » de SIHA, et nous explique les particularités d’Anvers dans le monde du diamant.
22.03. After that, petite mise au point sur la journée du lendemain, une bonne douche, et reprise des carnets de bord dans nos quartiers… Première nuit à Anvers, mais auparavant, préparation des vêtements « classe » pour demain, journée dans le quartier des diamantaires ! D’ailleurs, on n’oublie pas la visite de Cathy, l’infirmière et Anne, la surveillante pour un contrôle de nos tenues !

Mercredi

07.14. Lever matinal, et chacun s’apprête à revêtir tailleur et cravates, tenue exigée « classe » pour pénétrer dans l’une des rares bourses du diamant qui existe au monde… Petit déjeuner au Scoutel, et rassemblement devant l’auberge, vérification des pièces d’identité, et notre prof de français célèbre chacune de nos tenues vestimentaires inédites par une photo portrait.
09.02. Départ pour le quartier des diamantaires, notre procession ressemble à un cortège de mariage, costumes, talons hauts, cravates… Au bout de la rue, deux policiers anversois sont pliés de rire !
09.23. Hoveniersstraat ! C’est la célèbre rue la plus protégée du monde ! Barrage de policiers à l’entrée de la rue, barrière pour empêcher les véhicules de circuler, et des centaines de caméras de sécurité… Contrôle total !
Nous avançons vers le AWDC « Antwerp World Diamond Center », le Conseil Supérieur du Diamant. C’est là où nous retrouve Eddy Vleeschdrager, diamantaire anversois et auteur des livres mondialement connus sur le diamant comme « le diamant dureté 10 » ou « le diamant, réalité et passion », traduits dans plusieurs langues. E. Vleeschdrager connaît bien notre journal lycéen, il suit avec intérêt nos aventures dans le monde du bijou depuis des années, et pour le 20ème anniversaire du Mur, il fut l’un des invités d’honneur lors de deux conférences à Saint-Amand.
09.29. Conseil Supérieur du Diamant. Nous pénétrons. Portes blindées, surveillance étroite et totale. On laisse nos cartes d’identité à l’entrée, et nous suivons E. Vleeschdrager. Il nous accueille dans une salle de conférence et nous présente une projection du nouveau film sur le secteur diamantaire anversois…  Dimitri et son équipe enchaînent sur une interview… Le HRD « Conseil Supérieur du Diamant » a été créé en 1973, par les associations professionnelles anversoises de tailleurs, scieurs, cliveurs, négociants et diamantaires. L’idée était de créer une sorte de parlement du secteur diamantaire, et à sa création, le HRD comptait 30 000 professionnels ! Aujourd’hui, ne subsistent que 1500 membres… Eddy Vleeschdrager nous explique cette évolution : « De nos jours, les pays producteurs ne sont plus intéressés à vendre du diamant brut, ils ont compris que le diamant taillé avait une valeur ajoutée, c’est pourquoi des pays comme l’Inde, le Sri Lanka, la Chine ou la Malaisie installent des tailleries sur leurs territoires. Tout cela a donné une grande impulsion au négoce et a déséquilibré le HRD. Le Conseil a donc décidé d’évoluer en deux entités : la fondation qui s’occupe de la promotion du diamant et du contact avec les autorités des pays exportateurs… et le HRD – IGI qui émet les certificats sur les diamants les plus reconnus à l’échelle internationale… Dans le monde du diamant, pour un client, il est essentiel que ses pierres puissent être certifiées. 200 personnes travaillent en permanence dans le laboratoire et le centre de recherche de l’IGI, avec des technologies de pointe, pour détecter les imitations et les synthèses… « La différence de prix est énorme, elle peut passer de 3000 dollars le carat pour un diamant synthétique à 80 000 ou 100 000 dollars le carat pour une pierre naturelle ! ». Eddy Vleeschdrager se prête à notre interview :
Ce métier, c’est une passion de jeunesse ?
Oui, il m’est arrivé avec le biberon ! Nous sommes diamantaires depuis 4 générations.
Sur internet, j’ai vu que vous étiez expert judiciaire, ça consiste en quoi ?
J’ai un rôle de conseiller au sujet de litiges devant les tribunaux, par exemple lors de la saisie de marchandises et quand des gens ont acheté de fausses pierres. Je suis demandé par les tribunaux belges, mais aussi en Allemagne ou en Hollande.
Vous êtes aussi auteur de plusieurs livres sur le diamant…
Oui, je suis toujours très occupé à écrire… La quatrième édition de « Dureté 10 » va sortir prochainement, elle dépassera les 800 pages, car depuis 10 ans il s’est passé beaucoup de choses dans le monde du diamant : de nouvelles techniques de taille, de nouvelles pierres de synthèse, des pays producteurs qui sont devenus plus importants comme le Canada qui a aujourd’hui la 3ème place mondiale, des mines qui se sont éteintes comme celle de Kimberley, ou les mines à ciel ouvert en Australie… Aujourd’hui, les mines de diamants sont de plus en plus profondes, on va de plus en plus loin au fond des océans pour trouver ce qu’on ne trouve plus sur les plages…
« Dureté 10 » sera à nouveau traduit en plusieurs langues ?
Il sera traduit en français, néerlandais et anglais… Mais la Chine vient de demander pour le traduire, et parle d’une édition à 500 000 exemplaires ! Ça aussi, c’est nouveau…
Vous donnez toujours beaucoup de conférences ?
J’ai présenté beaucoup de choses en Belgique, en France et en Hollande… Singapour fut la conférence que j’ai donnée le plus loin d’ici…
Finalement, en quoi consiste le métier de diamantaire ?
« Diamantaire » est un nom général qui regroupe les tailleurs, les scieurs, les négociants en brut, en taillé, des négociants qui se spécialisent dans les petits diamants, dans les diamants de couleur, dans les pierres avec certificats… Tous ceux qui travaillent avec le diamant sont diamantaires.
Le principal but de votre vie professionnelle, ce serait quoi ?
Faire un métier que j’aime !
Quel est l’avenir du diamant ?
Je crois que pour le diamant, il y a un très grand avenir, en particulier avec des pays émergents comme la Chine qui sont des pays qui aiment par tradition les pierres précieuses, l’or et le diamant… Le Moyen-Orient est aussi en plein essor, Dubaï par exemple… Jusqu’à la fin du 21ème siècle, le diamant comme les pierres précieuses seront toujours en première position dans le secteur de la joaillerie, avec une belle expansion… Le seul problème, ce sera pour les pierres de 2 à 3 carats taillées, elles deviennent de plus en plus difficiles à trouver, la production diminue énormément.
D’un point de vue économique, quels sont les risques aujourd’hui ?
Nous sommes dans une période de récession et naturellement la récession entraîne des diminutions de vente des bijoux. Le plus grand client reste les Etats-Unis, mais on attend de ce côté-là une perte importante, qui je pense sera compensée partiellement par l’Extrême Orient.
Qu’est-ce que les consommateurs peuvent encore attendre du diamant ?
C’est quand même un symbole unique ! Le diamant continue de représenter le point culminant de la réussite d’une carrière, l’amour unique qu’on a trouvé dans sa vie et à qui on offre la pierre éternelle… Ce sont des symboles que les autres pierres ne donnent pas.
Il vous est arrivé de tomber amoureux d’une pierre ?
Pas spécialement amoureux… mais j’avoue qu’une pierre m’a donné la chair de poule… C’était lors d’une expertise en Suisse, dans une banque, je ne savais pas quelle pierre j’allais expertiser, et j’ai reçu en main… l’Alquila ! Un diamant de 70 carats vert pomme ! Quand je l’ai eu dans la main, ça m’a provoqué une impression énorme…
10.12. L’IGI, International Gemological Institute… E. Vleeschdrager nous entraîne à poursuivre ce reportage au cœur du diamant. Ce laboratoire fut créé en 1975 avec trois personnes. Aujourd’hui, l’IGI compte 600 employés dans le monde entier. L’institut certifie les pierres de couleur et les diamants et appose le célèbre certificat anversois qui reconnaît et identifie la gemme. Nous pénétrons dans le laboratoire et comprenons les différentes étapes que franchissent ici les pierres. La pierre est apportée par le client à la réception de l’IGI, puis envoyée à différents services du laboratoire : on commence par la peser dans un pli… On étudie la taille, le diamètre, la hauteur et la grandeur de la table, l’angle de la couronne, la profondeur de la culasse… Puis, les pierres sont classées selon les couleurs, de D à Z. La lettre « D » correspond à une pierre incolore, et ensuite plus les couleurs sont intenses, plus on se rapproche de la lettre « Z ». Au-delà de la lettre « Z », la pierre est considérée comme fantaisiste. On compare ainsi cette pierre inconnue à toute une série de pierres normalisées pour mieux définir sa couleur et la classer. Un gemmologue dessine ensuite les inclusions de la pierre sur un diagramme.